Présentation
Je veux savoir ce que cela veut dire, « faire de la peinture » et « être peintre ». La meilleure façon de le savoir, c’est d’aller dans la peinture, de chercher mais pas dans les livres, dans les tableaux.
Entrer dans l’atelier de Martin Bruneau, c’est se confronter à trente années de peinture. Et plus encore, à autant d’années d’investigation et de recherche sur ce que l’Histoire de la Peinture nous a légué. Travaillant essentiellement par séries et reprises des icônes de l’art européen (des Ménines de Vélasquez au Radeau de la Méduse de Géricault), l’œuvre de Martin Bruneau se caractérise par une liberté d’appropriation et une sincère humilité face à cet héritage.
Formé à Montréal, l’artiste en garde la spontanéité d’une touche abstraite et expressive, propre à l’histoire artistique nord-américaine ; une attention particulière portée au geste et à la couleur, abordés pour ce qu’ils sont, absolument libres de tout sujet ; un recours également à la série comme mode d’épuisement du sujet et du signe. Rapidement, pourtant, une société plus aristocratique et plus ancienne devait venir hanter ses toiles : ici les figures princières de Cranach (v. 1540), ailleurs les membres du Syndic de la guilde des Drapiers peints par Rembrandt en 1662. Autant d’images du passé considérées comme simples objets de peinture, à l’envi détournées, retournées, contournées, défigurées.
Au cœur de ses différentes séries, la figure humaine occupe une place centrale. Sans doute est-ce parce que sa représentation concentre l’essentiel des tensions que Martin Bruneau aime à faire s’entrechoquer. Le portrait induit en effet de nombreuses réflexions sur la notion d’identité. Identité au modèle, suivant l’injonction de ressemblance. Identité du sujet, dont la caractérisation s’accorde au singulier. Identité de la peinture elle-même enfin, qui sait se faire oublier pour simuler la vie et dont la naissance aurait précisément partie liée avec l’invention du portrait.
Thibault Bissirier, juillet 2019