Audrey MATT AUBERT
Les Parciels*
La Galerie Isabelle Gounod est heureuse de présenter cette nouvelle exposition personnelle d’Audrey Matt Aubert. Poursuivant ses recherches autour des formes et des archétypes de l’architecture, la jeune artiste française présente à cette occasion un ensemble inédit de peintures, dont la teneur poétique et sensible dévoile un tout nouvel aspect de son travail.
Au terme de plusieurs résidences et voyages à l’étranger, Audrey Matt Aubert a retrouvé le silence de l’atelier, rassemblant le cortège de ses souvenirs avant que ne se fige comme nouveau point de départ sa visite au Pergamon Museum de Berlin et la découverte d’une reproduction grandeur nature de la porte d’Ishtar. Une question alors devait s’imposer à l’artiste : en face de quel objet se tenait-elle et à quelle réalité la renvoyait-il? Entre décor et objet de science, ces reconstitutions monumentales tiennent autant du fantasme que du document historique, comme d’ailleurs ces ruines authentiques déplacées et reconstruites pour être conservées. Des conditions de monstration qui, inévitablement, laissent la virtualité d’une décontextualisation radicale se substituer à la vitalité de leur site originel. Le regard que l’on pose sur ces vestiges se construit dès lors nécessairement par extraction, isolation et déplacement. C’est Babylone en vitrine, captive et hors du temps.
À son tour, Audrey Matt Aubert se saisit de ces motifs architecturaux emblématiques (la porte d’Ishtar bien sûr, mais également celle du marché de Milet ou encore l’autel de Pergame) pour les extraire une seconde fois de leur environnement et les soumettre à un nouveau déplacement : celui de la peinture. Une peinture « figurale »** pour laquelle la forme visible n’est plus subordonnée au modèle mais qui, parce qu’elle se construit par transgression de la réalité, exprime au contraire une extrême condensation de l’objet à sa seule présence. Toute référence est abolie, toute mimesis s’évanouit. Ne résistent alors que les surfaces, la matière et la couleur, purs motifs autonomes d’une abstraction figurée dont les multiples variations conduisent l’artiste au seuil du discernable, quand le décor tombe.
Thibault Bissirier
* Néologisme emprunté à André Breton (Manifeste du Surréalisme - Poisson soluble, 1924, éd. Kra).
** Le concept de figural forgé par Jean-François Lyotard dans Discours, Figure (1971, éd. Klinckzieck) a notamment été repris par Gilles Deleuze à propos du travail de Francis Bacon : « La peinture n’a ni modèle à représenter, ni histoire à raconter (…) Dès lors elle a comme deux voies possibles pour échapper au figuratif: vers la forme pure, par abstraction ; ou bien vers le pur figural, par extraction ou isolation. Si le peintre tient à la Figure, s’il prend la seconde voie, ce sera donc pour opposer le figural au figuratif. » (G. Deleuze, Logique de la sensation, 1996, Éditions de la Différence).