La galerie Isabelle Gounod a le plaisir de présenter ONWARD! la nouvelle exposition consacrée à l'artiste britannique Glen BAXTER.
Né à Leeds en 1944, Glen Baxter partage son enfance entre les salles de cinéma et les bibliothèques. Dans les premières, il s'enivre de Westerns avec leurs cowboys ou du burlesque transgressif et déjanté des Marx Brothers. Dans les secondes, il apprend à aimer les mots en se plongeant dans les livres d?aventures, notamment ceux de W.E. Johns narrant la vie trépidante du pilote James Bigglesworth.
Après une formation à l'école d'art de Leeds, il comprend qu'il est davantage attiré par la poésie que par la peinture abstraite. Dans les années 1970, il s'envole pour New York sur l'invitation du poète Larry Fagin qui lui propose de lire ses textes à St Mark's Church dans le cadre du Poetry Project. Ce séjour, ainsi que les expériences d'écriture qu'il mène sur place bouleversent sa carrière.
De retour à Londres en 1978, Glen Baxter met progressivement en place la formule qui le rendra célèbre : un dessin à la ligne claire (réalisé à l'encre) coloré au crayon, un style qui rappelle les livres pour enfants, les comics, et un texte court, décalé, induisant un rapport inattendu avec la saynète qu'il accompagne :
« Les premiers poèmes que j'ai écrits se sont condensés, un peu comme des légendes sous l'image, explique-t-il. Cela fonctionne parce qu'il y a une fracture dans le récit. C'est comme si vous trouviez une page d'un livre, mais vous ne savez rien du livre auquel elle appartient. Alors vous vous demandez : qu'est-ce qui se passe ici ? C'est cette collision, ce moment d'explosion de la pensée (...) Je veux que les personnes qui regardent mes oeuvres se demandent "quest-ce qui est drôle là-dedans ?". Et ça, vous l'avez ou vous ne l'avez pas. »*
Fortement influencé par le surréalisme et le dadaïsme, Glen Baxter auxquels il emprunte un goût certain pour le nonsense * et l'ironie, se joue d'associations incongrues et de savoureux décalages entre texte et image. Un univers faussement naïf où le burlesque de chaque situation nous oblige à examiner notre propre perception du monde.
Explorateurs en casque colonial, étudiants en blazer, buveurs de thé et joueurs de cricket, cow-boys et autres scouts sont les héros ordinaires de ses dessins légendés qui l'ont rendu célèbre. Issus des récits populaires de la jeunesse des années 30 et 40, ces personnages sont placés dans des situations absurdes et extravagantes au milieu desquelles ils semblent conserver un flegme tout à fait britannique : des boy-scouts récitent du Raymond Roussel devant un feu de camp ; un sheriff prend en flagrant délit le cow-boy Perec tentant de voler un E ; un cow-boy au grand galop essaime les pages de la recherche du temps perdu, découvrant ainsi une lecture rapide de Proust ; des enfants en robe de chambre scrutent à la lanterne la reproduction quasi-industrielle de Mondrian par leur père...
Les oeuvres de Glen Baxter explorent les thèmes de l'art moderne, la littérature, la gastronomie française ou encore les traditions anglaises. Ce maître du nonsense sait où placer le détail que l'oeil ne remarque qu'au second regard. Ces légères distorsions de la réalité créent ainsi des ruptures de sens inattendues :
« Les surréalistes appelaient ça le "frisson", cette impression soudaine que le sol se dérobe... C'est une sensation fugitive, mais très forte, comme si l'esprit perdait momentanément l'équilibre. Exactement ce que j'essaie de faire éprouver à ceux qui regardent mes dessins. J'ai toujours adoré ces accrocs dans la réalité, ces légers vertiges.**»
Glen Baxter cite volontiers comme sources : Lewis Carroll, le roman « What a life »***, considéré par Raymond Queneau comme pionnier du surréalisme, Buffalo Bill, Tom Mix, George Herriman (créateur de « Krazy Kat »), et ceux qu'il admire le plus : Jarry, Queneau, Raymond Roussel, Beckett, Magritte, Chirico, Desnos, Man Ray...
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* citation de Glen Baxter, extraite de l?article de Liv Siddall « Glen Baxter. Revenge of the Stammerer », 2020
(à lire en intégralité sur le Wepresent : https://wepresent.wetransfer.com/story/glen-baxter/)
** Stéphane Jarno, « Les dadas du Colonel », Télérama n° 3077, 2009
*** E.V. Lucas, George Morrow, What a life!: an autobiography, 1911, London, Methuen & Co Ltd