SAM JACKSON
CORRESPONDANCES
Un punk bien éduqué, qui lirait Huysmans et Baudelaire tout en écoutant Kate Bush et Jim Morrison. Un romantique plus glam’ que noir, un peu baroque, un peu barré, sauvage et poétique. Sam Jackson est anglais et cela se devine dans cette forme d’irrévérence so british qui caractérise son travail.
La sélection d’œuvres récentes, présentées pour la première fois en France par la galerie Isabelle Gounod, rassemble surtout des portraits. Des visages sur fond noir, regards braqués dans le vague, que le peintre recouvre de mots, de signes et de figures, comme autant de débuts d’histoires griffonnées sur le coin d’une page et qui ne se concluent jamais. Qui restent là, à fleur de peau.
Il y a dans ces phrases qui surgissent un peu de l’écriture automatique et de la confession, de ces refrains qui trottent au coin de la tête ; quelque chose du portrait de Dorian Gray, aussi, dans cette manière de laisser surnager les secrets et les maux de l’âme ; quelque chose du graffiti et du tatouage, auxquels Jackson emprunte l’ambiguïté d’être à la fois une marque de distinction, une provocation et l’expression d’une histoire personnelle, l’indice d’un dialogue exclusif et parfois douloureux. Et puis, il y a de la tendresse, dans ce mélange décomplexé des genres, dans cette volonté de réconcilier les registres académiques de l’art avec les pratiques les plus populaires, dans cette mise à nu du modèle enfin. De la tendresse et du désir, l’envie de saisir l’autre, une libido de peintre à la fois affectueuse et carnassière.
On pourrait croire de Sam Jackson qu’il aime se fier aux apparences, et c’est vrai, il y a de cela dans ses œuvres, qui précipitent à la surface, sans rien dissimuler, tout ce qu’une rencontre provoque, tout ce que l’autre laisse deviner des doutes et des espoirs qu’il porte en lui, tout ce que deux yeux dans le noir inspirent de mystère et de trouble. Porter les mots, s’en faire un masque, comme une invitation, une adresse à celui qui passe. Disons, une énigme, un poème.
Thibault BISSIRIER, septembre 2022.