Marginalia


Travaux sur papier


 


Dans l’atelier, les toiles en cours s’adossent verticalement, face à moi, surélevées sur des calles, palettes et tubes dispersés au sol. Ainsi, les grands formats particulièrement, s’apparentent-ils au mur sur lequel ils sont appuyés. Il s’agit de s’y affronter.


Imaginez alors le peintre comme le portrait en acteur de western qu’Andy Warhol fit d’Elvis, debout, jambes arquées, regard en tirelire, une main sur le Colt, tenu à la taille, l’autre en suspens, comme appuyée sur un pommeau invisible. On ne sait jamais s’il s’agit d’un duel ou d’un jeu de miroir.


Sur le bureau, à l’inverse, les esquisses, les recherches, les dessins, les gouaches sur papier, se donnent à l’horizontale, sous la main. J’y travaille assis, le dos courbé, comme on berce une petite chose. Le geste y est généralement plus léger, plus calme, moins ample en tout cas. La plupart se chevauchent ou s’empilent, patientent dans un chaos de carnets, cahiers et feuilles éparses. Certains témoignent de l’ajustement d’une composition, d’essais, d’autres de conversations intimes avec un motif.


 


Archives du Désastre


Lorsque je débutais en 2015, dans les vertiges des attentats de Paris et des destructions de Palmyre, les premiers dessins de ce qui deviendrait cette suite ou cet ensemble des Archives du désastre, les feuilles s’accumulaient au sol, en désordre, comme des pelletées de terre autour du trou que creuse un condamné ou un fuyard. J’y repassais à l’huile quelques fragments, statues, bas-reliefs et ruines, fouillés au crayon noir, et cela faisait comme autant d’abîmes sombres.


 


CARO


C’est à la même période que je choisissais là encore le papier pour développer un travail exploratoire à partir de l’œuvre sculptée d’Antony Caro. Travail oscillant entre figuration et gestuelle libre, jeu sur les rapports de masse et le montage qui déplace tout en les poursuivant les questions liées au paysage.


 


Peintures confinées


Les Peintures confinées que je réalisais chaque jour ou presque sur des emballages alimentaires, les seuls supports dont je disposais, là où je m’étais isolé, au printemps 2020, faisaient comme un décompte des jours, un journal malicieux. La contrainte offrant de multiples façons de jouer sur le fond et la forme.


Un autre lieu, une autre posture encore. Selon les circonstances et les invitations, il m’est arrivé de réaliser des estampes : taille douce, linogravure, lithographie. Un autre rapport au trait et à la couleur dictés par les spécificités des techniques d’impression. Mais quelques continuités aussi : plusieurs dessins de plantes en taille douce empruntent leur vert aux Archives du désastre, les linogravures de la série des Pinèdes, découlant d’un travail réalisé pour le livre Grandes boîtes bleues (éditions Aencrages & co), ne sont pas sans proximité avec les grandes encres noires de la série des Images inquiètes.


Ainsi sont les marginalia, un territoire d’échos, des dérives, d’explorations diverses qui brodent ou tissent autour ou avec le texte.


 


Jérémy LIRON


 

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