Pierre AGHAIKIAN
Maps To The stars


 


 


 


Il y a chez Pierre Aghaikian un tropisme évident pour les grands formats, qui sont ceux de la peinture d'Histoire, dont la nature spectaculaire et grandiloquente ne cesse d'inspirer le jeune artiste. Cependant, les références qui traversent sa peinture ne sauraient s'en tenir uniquement à cette tradition.


 


Ici, en effet, la compagnie des maîtres classiques ne boude pas celle de plus inattendus et de plus contemporains : Walt Disney et Kanye West sont également de la partie et tiennent leurs rôles au milieu du Chaos Primordial, qu'un geste de peintre agite pour faire émerger les icônes dévolues au sacrifice. Dans un coin de la scène, une meute de loups dardée de lances semble ainsi rejouer la Bataille de San Romano de Paolo Uccello au milieu d'une nuit zébrée d'éclairs et de glitches (KyloRen, 2018) ; ailleurs, une tête tranchée nous est servie sur un plateau lumineux, tandis qu'au ciel les rottweilers ont remplacé les anges (Maps To The Stars, 2018).


 


Cet étonnant syncrétisme dévoile alors une filiation inattendue, depuis les grandes fresques épiques jusqu'aux odyssées hollywoodiennes, dressant le décor d'un récit trouble que Pierre Aghaikian - ce raconteur d'histoires - entend nous livrer de l'homme moderne : « Mon approche de la peinture est tragique, brutale, égoïste et existentialiste. Je peins ma culture, ses médailles et leurs revers. »


 


La mythologie que Pierre Aghaikian dévoile surprend cependant par son caractère éminemment personnel et volontiers anecdotique. En cela, elle s'apparente davantage au storytelling qu'aux grandes fresques historiques. Si la peinture classique est un point de départ c'est parce qu'il ne peut en être autrement (on ne crée jamais à partir de rien). Mais que l'on ne s'y trompe pas, il s'agit moins de simplement « mettre à jour » une tradition que d'en subordonner les caractéristiques à l'expression d'une vision singulière et terriblement contemporaine de notre monde.


 


Les petits formats, plus récents, puisent quant à eux à d'autres sources. Non pas la Genèse et la science-fiction, mais celles de l'enfance et de la fascination de l'artiste pour les cow-boys. L'histoire qu'il nous offre, développée de toile en toile par la récurrence d'un personnage couronné d'étoiles, tient ici davantage de la quête. C'est une croisade au Far West, sous le ciel électrique d'un Eldorado de jeu vidéo. Et si les pionniers de notre temps ne sont plus ceux d'alors (l'artiste vous parlerait de Steve Jobs), ce mythe de la conquête porte encore en lui la même promesse d'ascension sociale et d'évolution vers un plus haut niveau d'existence.


 


Car enfin, la peinture de Pierre Aghaikian s'appréhende comme un cheminement spirituel, un voyage initiatique au Pays Imaginaire : qui refuse d'y croire ne saurait aborder les rivages de l'Île où Peter Pan et Dark Vador règnent en maîtres, amusés et menaçants.


 


Thibault Bissirier, juin 2018.



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