La galerie est heureuse de présenter « Foyer », la deuxième exposition personnelle de Maude Maris qui s’est fait connaître à travers une peinture silencieuse, à mi-chemin entre paysage et nature morte. Un ensemble d’œuvres inédites a été conçu par l’artiste, où peinture, sculpture et architecture dialoguent intimement. Sa réflexion dépasse le périmètre restreint de la toile par le déploiement d’une scénographie pensée spécifiquement pour l’espace de la galerie.
La pratique développée par Maude Maris est singulière : de petits objets chinés sur les marchés aux puces ou trouvés dans la rue sont moulés en plâtre, ce qui permet à l’artiste de manipuler l’objet, de laisser place à l’inattendu et aux petits «accidents», tout en préservant leur matière. Figurines d’enfants, ustensiles de cuisine, statuettes de la Sainte Vierge ou tête de chien, tout peut offrir une forme intéressante à travers la transformation de l’objet. Les analogies formelles sont décisives : en tournant la tête de chien de quatre-vingt-dix degrés, elle se transforme en dent ; si l’on décapite une figurine, elle devient paysage, le bras d’une poupée une branche, la robe de la Vierge un rocher. Plus récemment Maude Maris a commencé à mouler des éléments naturels qu’elle puise dans son environnement quotidien. En complément, il lui arrive d’utiliser directement des pierres ou des fossiles, sans les mouler. Tous ces objets entrent en jeu dans ses peintures, qu’ils soient artificiels ou naturels, moulés ou laissés comme tels.
Chaque œuvre est le résultat d’un processus élaboré : réunir les objets, les mouler, créer une composition, la photographier et finalement peindre à partir de la photographie. Chaque étape ajoute un nouveau degré de distance, lisse les objets et crée un détachement que renforce la technique picturale. Le coup de pinceau est discret, les objets représentés dans des couleurs artificielles aux tonalités pastels. La palette évolue cependant, avec une récente apparition de noirs et de gris. L’utilisation à ses débuts de logiciels 3D reste aujourd’hui perceptible dans le travail de l’artiste, empreint d’une artificialité et d’une esthétique lisse et minimale. Maude Maris suggère la profondeur et fixe l’objet dans l’espace indéfini en reprenant l’ombre caractéristique des logiciels informatiques.
Dans un premier temps les objets étaient représentés dans un espace blanc et neutre, celui de l’espace muséal ou du salon, renvoyant ainsi à la fonction sculpturale ou utilitaire des objets représentés. La pièce s’est ouverte depuis que les murs ont disparu, et l’horizon flottant suggère à lui seul l’espace.
La sculpture est indéniablement présente dans le travail de Maude Maris. Non seulement dans sa méthode de travail (le moulage des objets), mais également dans le sujet qu’elle traite : l’objet, entre position sculpturale et fonction utilitaire. Depuis 2010, les formes peintes sont sorties de la toile pour se matérialiser dans l’espace réel, à l’exemple de l’installation qu’elle a réalisée pour son exposition personnelle « Nemeton » au Musée des Beaux-Arts de Rennes (2015). A l’instar de ses peintures, les sculptures de Maude Maris sont réalisées avec une certaine économie de moyens. Les œuvres présentées dans les expositions «Nemeton» et «Foyer» explorent toutes deux les fondements de l’architecture. Cette nouvelle série a été inspirée par des dessins allant du Moyen-Âge au XVIIIe siècle, décrivant la nature comme genèse de l’architecture des temples grecs, l’arbre devenant pilier une fois ses branches coupées. Parmi ses sources on trouve également les écrits de l’Abbé Laugier, qui dans son « Essai sur l’architecture » (1753), suggérait un renouveau de l’architecture par un retour à ses origines, ou les igloos en pierre de Mario Merz qui soulignent la relation entre sculpture et architecture.
Maude Maris mêle ainsi dans ses dernières œuvres des influences issues de l’Antiquité, de la Préhistoire, mais aussi du fantastique. Les pierres, cailloux, branches, fossiles et autres formes qui composent le vocabulaire de Maude Maris sont empilés, accumulés et arrangés de manière simple et précise. Ces compositions évoquent à la fois Stonehenge, le temple grec, la pyramide, la hutte primitive, le foyer ; elles révèlent leur agencement commun par le geste primitif et universel de l’empilement.
Nanda Janssen
Commissaire indépendante et écrivain
www.nandajanssen.nl