FERMETURE EXCEPTIONNELLE DE LA GALERIE DU 25/09 AU 01/10 INCLUS.


 


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À l'orée de la forêt profonde.


Michaële-Andréa Schatt scrute la mémoire des lieux et des noms que l'on craint de perdre. Elle saisit le modèle ou son reflet dans un bassin d'eau noire qui renforce étrangement les formes et les couleurs. Est-ce un monde antérieur ou rêvé ? On hésite. On déchiffre cette forêt pas à pas. Regardez cette arabesque comme échappée du tableau pour orner ce kimono. On dirait un manteau de nuages, l'un des ces châles que les sages bouddhistes offraient à leurs disciples. Les motifs migrent comme les âmes.


Ce pourrait être une scène inspirée de Virgile. Un peintre dessine à l'aide d'un roseau taillé en pointe le jardin de son enfance. Là poussaient naguère du seringa, des hellébores, des ancolies, du lilas mauve et des digitales. Une ligne chargée de noir vient bouturer une branche, fouiller l'ombre d'une frondaison. Surgeons, futaies et taillis calligraphiques. Aujourd'hui le jardin s'est ensauvagé et l'encre noire sied mieux aux ronces et à la broussaille.


Puis le jardin réapparaît, complètement transposé, en peinture grand format et en couleurs. Cadrage large, gestes amples, tons fauves, surimpressions, zooms et plans-séquences. On pénètre dans une forêt. Une forêt primitive. On ne voit personne mais on pressent tout un monde invisible : des esprits, des fantômes d'ancêtres, des survivances et des métamorphoses. Il règne un silence étrange traversé par des éclats, de soudaines stridences. Le jardin est jonché d'intrigants vestiges : des lignes de couleurs tirées au cordeau, un chandelier rococo, une broderie, des lambeaux de papier à fleurs. On croit reconnaître, tel un motif dans le tapis, des hampes et des fleurs d'iris avec leurs feuilles en lame de sabre, ou un chemin à la droite du tableau qui décentre et fait basculer le paysage. Le flou du souvenir se mêle à la précision de la chose inventée. Rien ne forme à proprement parler de récit.


Ensuite, comme au terme d'une longue journée, le soleil décline. La palette s'obscurcit. C'est alors à une promenade nocturne que Michaële-Andréa Schatt nous convie. On cligne des paupières, on s'oriente doucement parmi les frondaisons noires et les champs d'orties. Est-ce la nuit ou après l'incendie ? Selva oscura(1) en tout cas, mais où abondent les phosphorescences et les réfractions. Il fallait éclairer. Poignet souple, main déliée. Ce tracé rouge, entrelacs de clématite ou de liseron, et ce jaune de Naples, petit pan de mur d'une maison retrouvée, enluminent le gris.


 


Célia Houdart, mai 2014


(1) mi ritrovai per una selva oscura (« je me retrouvai par une forêt obscure ») est le second vers du Chant I de l'Enfer, première partie de la Divine Comédie de Dante Alighieri.


 

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