Mon premier est un paysage ou une scène d’intérieur ; mon second, une trame ou un aplat venant couvrir mon troisième ; qui, lui, vient contredire mon premier. Sampling donne son titre à mon tout.
S’il est un jeu auquel la peinture de Dan Brault pourrait être comparée, sans doute faudrait-il aller chercher du côté de la charade ou du rébus. Disons de cette sorte de combinaison de signes et de figures, agrégés les uns aux autres comme autant d’indices d’un récit à retrouver. Pourtant s’installe ici, au lieu de la cohérence, une enquête ne se dénouant ni ne se résolvant jamais. À la table du peintre, et comme tombé du nid des poètes, la vérité se recroqueville et vrille en un poème qui nous enfume et nous retient, à tout le moins, captifs d’une toile aux rayons bizarres. C’est le solstice de la peinture qui dans les vapeurs d’une nuit trop longue fait vaciller la flamme de nos attentes en une danse dérisoire: celle du plaisir, simple et honnête.
De l’aveu de l’artiste, le langage de la peinture est trop vaste et trop riche pour en maîtriser tous les dialectes, tous les accents. Le drap de l’Histoire pèse lourd, même sur les épaules les plus robustes. Aussi ne viendra-t-il pas se pelotonner au creux du giron de la tradition, ni faire figure de sachant : Dan Brault résiste à l’appel du sens, tout autant qu’à cette forme de politesse qui voudrait que l’on se tienne convenablement. Sa touche est plus libre que cela, ses références moins attendues et sa manière, surtout, bien trop nerveuse. Il n’est pas de style sans risque et celui-là se moque des harmonies du siècle, mais s’amuse au contraire des paradoxes et des dissonances. Une pile ou un réverbère vaudraient-ils moins qu’un paysage ou une scène d’Histoire ? Du pixel ou du glacis, qui aura raison de l’autre ? Images contre images pour un ton sur ton d’un nouveau genre.
Entre improvisation et maîtrise de la composition, la petite musique singulière de Dan Brault s’accommode sans heurt de tout ce qui l’inspire. A force d’augmenter le monde par assemblages et remix, l’artiste se plaît à déborder du cadre. La peinture alors s’impose comme forme ultime et indépassable de réalité virtuelle, un autre univers possible construit dans l’atelier sur le modèle de la nature elle-même, où Dan Brault passe tant de temps à échantillonner le monde.
Thibault Bissirier, novembre 2019